En l’intégralité le discours de l’Ambassadeur de l’Union européenne en République démocratique du Congo, M. Jean-Marc Châtaigner
Kinshasa, Hôtel du Gouvernement, 30 septembre 2021
(Seul le prononcé fait foi)
Excellence, Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues et amis,
C’est avec beaucoup de plaisir que mes collègues européens et moi-même vous retrouvons aujourd’hui pour cette nouvelle session de notre dialogue politique, un an presque jour pour jour après celle tenue ici même en 2020, et onze ans après le tout premier exercice de dialogue formel entre la République démocratique du Congo (RDC) et l’Union européenne (UE). On dit que « tout ce qui arrive une fois peut ne plus jamais arriver, mais tout ce qui arrive deux fois arrivera certainement de nouveau ». Forts d’un partenariat solide et d’une volonté commune d’échanger, ceci se vérifie à nouveau. Ce dialogue se tient avec un gouvernement différent de celui avec lequel nous avions échangé l’an dernier, illustrant ainsi de part et d’autre la continuité de l’Etat et le respect des engagements.
La présence à mes côtés de mes collègues ambassadeurs et chargés d’affaires des Etats membres de l’Union européenne démontre l’unité, la solidité et la solidarité de notre équipe européenne ici à Kinshasa, comme partout ailleurs dans le monde.
Je salue notamment la présence de :
• Monsieur Oliver Schnakenberg, ambassadeur d’Allemagne,
• Monsieur Johan Indekeu, ambassadeur de Belgique,
• Monsieur Carlos Robles Fraga, ambassadeur d’Espagne,
• Madame Calliope Douti, ambassadrice de Grèce,
• Monsieur Jolke Oppewal, ambassadeur des Pays-Bas,
• Monsieur Antonio Pereira, ambassadeur du Portugal,
• Monsieur Henric Rasbrant, ambassadeur de Suède,
• Monsieur Jan Vytopil, ambassadeur de Tchéquie,
• Madame Pirjo Suomela-Chowdhury, ambassadrice de Finlande, venue de Lusaka,
• Monsieur Christophe Le Droumaguet, Chargé d’affaires de l’Ambassade de France,
• Monsieur Saro Castellana, Chargé d’affaires de l’Ambassade d’Italie.
Nous avons également l’honneur d’accueillir, venus spécialement pour ce dialogue, le Directeur Général adjoint pour l’Afrique du Service européen d’action extérieure, M. Bernard Quintin, et la nouvelle chef de division pour l’Afrique centrale, Mme Aude Maio-Coliche. Quelque mois après la visite du Président du Conseil M. Charles Michel, leur présence traduit toute l’importance accordée par l’Union européenne à sa relation avec la République démocratique du Congo.
Ce dialogue politique se tient dans un cadre institutionnel en pleine mutation. Comme vous le savez, l’accord de Cotonou, qui régit les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) depuis vingt ans, reste en vigueur pour encore quelques semaines. Mais devrait rapidement lui succéder un nouvel accord de partenariat, conclu le 15 avril dernier entre le négociateur en chef des pays ACP, à savoir le Ministre togolais des affaires étrangères et notre Commissaire européenne aux partenariats internationaux, Madame Jutta Urpilainen. Ce nouvel accord vise à renforcer la capacité de l’UE et des pays ACP à relever ensemble les défis mondiaux. Il jette les bases de la création d’alliances et d’actions mieux coordonnées sur la scène internationale. Il est construit autour d’un socle commun de valeurs et principes ainsi que de domaines stratégiques prioritaires :
• Les droits de l’homme, la démocratie et la gouvernance au sein de sociétés axées sur les personnes et fondées sur les droits,
• La paix et la sécurité,
• Le développement humain et social,
• La viabilité environnementale et le changement climatique,
• La croissance et le développement économiques durables et inclusifs
• La migration et la mobilité.
Ces thèmes seront au cœur de notre dialogue aujourd’hui, tout comme ils resteront au cœur de notre partenariat pour les années à venir. Nous nous réjouissons qu’ils constituent également les thèmes essentiels de la vision promue par le Président de la République, Son Excellence M Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, tels qu’il les a encore rappelés récemment lors de son allocution devant l’Assemblée Générale des Nations unies. Ce sont aussi les piliers sur lesquels votre Gouvernement, Monsieur le Premier Ministre, consolide son action et sur lesquels repose la confiance du Parlement, et à travers lui de la population congolaise, témoignée lors de votre investiture en juin dernier.
Au-delà de ces aspects formels du partenariat entre l’Union européenne et la République démocratique du Congo, notre relation se cimente dans de nombreuses actions collectives et toujours concrètes, portées avec et par nos Etats membres, dans un esprit d’équipe européenne. Unis dans la diversité, unis dans la complémentarité ai-je envie de dire, ensemble à vos côtés pour relever les nombreux défis communs auxquels la République démocratique du Congo, l’Europe et l’Afrique sont aujourd’hui confrontés.
Celui en premier lieu de la paix et de la sécurité. Nous devons faire face à la croissance des phénomènes terroristes et mafieux, qu’il nous faut combattre avec force et vigueur. Leur éradication passe par le renforcement de la cohésion sociale, le relèvement économique, l’implication des populations dans la résolution des conflits. Elle passe aussi par la fermeté dans la lutte contre l’impunité et par la promotion et le respect des droits humains. Nos pensées vont naturellement aux populations de l’est du Congo, victimes des exactions des groupes armés. L’Union européenne a également été touchée dans sa chair par le terrible assassinat en février dernier de notre collègue et ami l’Ambassadeur d’Italie, Luca Attanasio, de son garde du corps Vittorio Iacovacci et de son chauffeur Mustapha Milambo. Monsieur le Premier ministre, nous n’oublions pas. Nous suivons avec attention les procédures judiciaires en cours pour identifier et envoyer en justice les auteurs de ce triple crime. Nous le devons à leur mémoire et à leurs familles. Nous saluons également le courage des femmes et des hommes engagés dans les forces de sécurité, dans des contextes extrêmement difficiles. Nous ne devons néanmoins pas occulter les problèmes de gestion et de discipline en leur sein, entretenus par des réseaux qui ont été dénoncés par le Chef de l’Etat et dont le démantèlement doit aussi faire partie de la solution.
A cet égard, l’Union européenne s’est dotée en janvier dernier d’un nouveau règlement pour lutter contre le trafic des minerais qui alimente, entre autre, ces réseaux mafieux. Celui-ci aidera la RDC à recouvrer la souveraineté sur ses ressources minières, en en améliorant la traçabilité et la légalité, mais aussi l’impact social.
Autre grand défi, la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit, processus irréversible sur le continent. La République démocratique du Congo, qui préside actuellement l’Union africaine, a un rôle déterminant à jouer dans la poursuite de cette noble et exaltante lutte, pour reprendre les termes du Chef de l’Etat. C’est une responsabilité qui incombe en premier lieu aux autorités, partout et en tous temps. Mais la démocratie et le respect de l’état de droit se construisent aussi par la recherche du consensus, par l’écoute et le dialogue car ils nécessitent la pleine implication et adhésion de la société. J’ai envie de vous proposer comme leitmotiv de notre dialogue aujourd’hui cette belle citation du philosophe Michel Serres : « c’est tellement rare, c’est tellement improbable, c’est tellement miraculeux que c’est peut-être ça la civilisation et la culture. Rencontrer quelqu’un qui écoute. »
Le consensus, et la confiance entre gouvernés et gouvernants, se construit à travers la réalisation de cycles électoraux. Mais elle est aussi le fruit d’un travail de longue haleine d’amélioration des modes de gouvernances politique et économique qui permettent au plus grand nombre de retirer les fruits du développement et de constituer une base sociale et un entreprenariat qui soient sources de développement, de croissance inclusive et de progrès dans les conditions du mieux vivre ensemble. Vous vous êtes engagés sur cette voie, et je veux saluer notamment les efforts de mobilisation des recettes et la volonté de pédagogie démontrée dans la campagne de civisme fiscal. Cette adhésion sera d’autant plus grande qu’elle sera soutenue par une exemplarité des institutions, la lutte accrue contre la corruption et les détournements de fonds publics et enfin la promotion d’un droit des affaires permettant le développement du secteur privé.
Elle le sera également d’autant plus si elle se traduit par des dividendes en matière de service sociaux, singulièrement en matière d’éducation et de santé. Nous continuerons à accompagner la RDC aussi sur ces sujets fondamentaux pour lesquels vous avez pris des engagements vis-à-vis de votre population.
Enfin, ce dialogue sera l’occasion de poursuivre et d’intensifier le partenariat en matière de protection de ce trésor que constitue le patrimoine naturel congolais. La République démocratique du Congo a un rôle déterminant à jouer dans le grand défi du XXI siècle qu’est la préservation de notre éco système mondial. Il s’agit ici d’un patrimoine vivant ; le préserver ce n’est pas le figer : c’est le promouvoir, l’intégrer dans des dynamiques plus large de développement humain, de gouvernance démocratique et de création de richesses. Nous poursuivrons le travail commun pour que la RDC combine toujours mieux protection et développement, en prenant exemple sur les succès existants, comme le Parc des Virunga, de la Garamba et d’autres magnifiques aires protégées que j’ai eu l’occasion de visiter. La COP 26 qui s’ouvre dans quelques semaines sera l’occasion de réitérer en la matière nos engagements communs.
Nous nous réjouissons donc de pouvoir poursuivre avec vous, Monsieur le Premier ministre, ce dialogue relancé l’an dernier, dans cet esprit d’ouverture, de franchise et de sincérité qui le caractérise. Avec comme préoccupation principale celle de la définition d’actions et d’engagement mutuels, au service de la population congolaise, dans la poursuite d’objectifs partagés, fruits de notre partenariat concret.