Lettre ouverte a l’équipe de crise du FCC: « entre le sort politique de kabila et l’avenir du pays »(Maître TSHISWAKA MASOKA)

LETTRE OUVERTE A L’EQUIPE DE CRISE DU FCC« ENTRE LE SORT POLITIQUE DE KABILA ET L’AVENIR DU PAYS »

1. INTRODUCTION

La présente réflexion est adressée aux coordonnateurs de la Cellule de Crise du Front Commun pour le Congo (FCC); Mesdames et Messieurs, TSHIBANDA N’TUNGAMULONGO Raymond (Président), MANARA LINGA Didi (Vice- président), MPANDE MWABA Liliane (Rapporteure), MUSHOBEKWA-LIKULIA Marie-Ange (Questeure).

Sa forme de lettre ouverte est justifiée par l’objectif de porter la pensée citoyenne sur les risques de dérapage dans les prises de positions des membres du FCC. Elle vise aussi à influencer la trajectoire politique attendue du rapport de la Cellule.

En fait, tout citoyen moyen se sentirait interpelé par les tribunes du Professeur KIKAYA BIN KARUBI Barnabé. Elles sont de nature à impacter négativement le futur de la République. Si non, l’intérêt devrait être orienté vers le « Contrôle citoyen » du nouveau régime en place.

Les lignes suivantes exposent, (i) le contexte politique actuel de la RDC ; (ii) l’approche erronée du contexte politique par KIKAYA ; (iii) les risques auxquels exposent les publications décriées ; (iv) une opinion relative aux violations des droits humains ; et (v) la conclusion portant sur le rôle attendu du FCC et de l’ancien Président et Sénateur à vie, Monsieur KABILA KABANGE Joseph.

2. CONTEXTE

Tout observateur politique averti peut constater que de la rude bataille politique et sans merci, entre le camp du Président TSHISEKEDI TSHILOMBO Felix contre celui de l’ancien Président KABILA, la balance penche en faveur du Président en exercice.

A ce sujet, le Coordonnateur du FCC, le Professeur MWILANYA WILONDJA Néhémie avait fait remarquer, le 11 décembre dernier que :

« Le FCC a perdu une bataille importante. Mais son combat pour la préservation des acquis démocratiques, de l’unité nationale et de la stabilité, en vue de l’émergence du pays, est loin de s’arrêter. A tous les patriotes de resserrer les rangs derrière ces challenges ».

Dans cet état d’esprit, la Présidente évincée de l’Assemblée Nationale, note sportivement, dans sa lettre du 23 décembre, au Président du Bureau d’Age faisant l’intérim de l’institution, qu’elle est disposée à procéder à la remise et reprise, en exécution de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle du 15 décembre 2020, sous RCONST 1438.

En marge du jeu politique encours dans les institutions publiques, le Président du Conseil d’Administration de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), Monsieur YUMA MULIMBI Albert, l’un des proches de l’ancien Président KABILA, est évincé, le 23 décembre, au profit de Monsieur KASEMBO NYEMBO Dieudonné.

Par ailleurs, outre des anciens opposants au Président KABILA, à l’instar de messieurs KATUMBI CHAPWE Moïse et BEMBA NGOMBO Jean-Pierre; un nombre considérable de partis et personnalités politiques du FCC rejoignent le nouveau regroupement politique du Président TSHISEKEDI, dénommé Union Sacrée pour la Nation. A titre illustratif, on peut citer le Ministre PALUKU KAHONGYA Julien, Le Gouverneur du Sud-Kivu NGUABIDGE KASI Théo et la Vice-Gouverneur du LUALABA, Madame MASUKA SAINI Fifi.

3. PERCEPTION ERRONEE DU CONTEXTE

La Tribune intitulée « Protéger Joseph Kabila ” relève désormais du devoir citoyen (II) » de KIKAYA, du 24 décembre, résume l’antagonisme pour conquérir/conserver le pouvoir, au niveau national, en un conflit entre les Katangais et les Kasaiens.

Dans sa section titrée « engager Fatshi dans une épreuve susceptible de finir mal pour le pays », KIKAYA Bin KARUBIprocède par l’absurde à démontrer des « guerres fratricides » du Katanga et leurs acteurs, comme suit :

« En 1960, les ennemis du Congo avaient utilisé cet axe [Katanga-Kasaï] en misant sur Moïse Tshombe et Albert Kalonji […];

En 1990, […] ils vont miser sur le tandem Tshisekedi et Nguz. La crise de leadership surgie entre ces deux personnalités aura pour effet l’épuration ethnique opérée au Shaba (Katanga) à l’encontre des Kasaïens vivant dans la province cuprifère ;

En 1997, ils joueront carrément la carte Etienne Tshisekedi contre Laurent- Désiré Kabila.

De 2001 à 2017, encore la carte Etienne Tshisekedi contre Joseph Kabila.

De 2017 à ce jour, malgré la parenthèse de la coalition Fcc-Cach (2019-2020), il se révèle qu’ils jouent désormais et à découvert la carte Félix Tshisekedi contre Joseph Kabila, avec cette particularité d’engager plutôt le premier dans une épreuve susceptible de finir mal pour le pays ».

Cette conclusion historique du contexte politique de la RDC est inexacte. Car, elle ignore la dynamique actuelle des partis et personnalités politiques qui participent à cette lutte au niveau national.

En réalité, KABILA et ses alliés non Katangais est en face de KATUMBI, BEMBA, NYAMWISI, BAHATI, THEO KASI, PALUKU, MASUKA, BOMBOLE, MUYAMBO et tant d’autres alliés a TSHISEKEDI qui ne sont pas des Kasaiens.

Extirper du contexte politique la participation des citoyens d’autres province, revient à exposer le pays au risque de violence inter-ethnique. KIKAYAle sait. Il joue sur l’antagonisme des groupes rivaux qu’il sait exister, depuis 1960, dans la région du KATANGA. Il approfondit la division de la population, exacerbe le sentiment des fanatiques de KABILA et ceux de TSHISEKEDI, et prédit « une épreuve susceptible de finir mal pour le pays ».

Venant de lui, cette évocation de « guerres fratricides » est dangereuse. Journaliste professionnel, Expert en communication, Professeur d’Université et ancien député national, KIKAYA sait comment atteindre et faire réagir sa cible, cette partie de la population katangaise qui croit en lui. En plus, comme son Conseiller, il a l’oreille attentive de l’ancien Président de la République et Sénateur à vie qui dispose des moyens de sa politique.

KIKAYA est un homme intelligent. Il lit beaucoup. Il sait que la guerre est un acte de violence dont l’objectif est d’imposer sa volonté à son adversaire politique. A défaut d’en avoir la connaissance, il devrait savoir, comme disait un officier prussien, le Général Carl Von Clausewitz, que « la guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens ».

Chez les Balubas du Kasaï, il y a un proverbe qui dit : « Bitshikila tu boya » (que ça se déverse pour qu’on ramasse). Il résume la morale tirée de l’histoire de la Bible, 1 Rois.3:27, selon laquelle, devant le Roi Salomon, l’une des deux femmes qui se disputaient la maternité de l’enfant dit : « Il ne sera ni à moi ni à toi. Coupez-le! ».

4. RISQUE DES NOUVELLES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS

Penser à un retour éventuel à la guerre, c’est exposer inutilement le pays aux nouvelles graves violations des droits humains et des poursuites internationales contre leurs auteurs. Un tel risque n’a aucun sens et n’aboutira à rien.

D’ailleurs, la Tribune de KIKAYA rappelle que les politiciens de 1960 n’avaient pas su exterminer les kasaiens, en dépit du soutien des puissances étrangères à la mise en œuvre de la politique de Kifakiyo (Le balai), des moyens financiers, du personnel

de renseignements et des forces armées de l’Etat Indépendantiste katangais. De même, ceux des années 90 n’avaient non plus su exterminer les kasaiens, malgré le soutien du Président MOBUTU à l’exécution de l’opération Bilulu (Les insectes) et la mise à disposition des forces armées zaïroises. A se demander, avec quels moyens, ceux de 2020 y parviendront-ils, sachant que la population kasaienne du Katanga s’est multipliée de manière exponentielle, par rapport à celle des années 60.

En somme, faire de la guerre contre son peuple, une stratégie politique, est une aberration. Même si le sentiment anti-kasaien est toujours palpable dans les rues du Katanga, rien n’y changera un iota. Les politiciens véreux continueront à en faire leur fonds de commerce et les citoyens ordinaires continueront à vivre ensemble.

5. CONCLUSION : ROLES DU FCC ET DE L’ANCIEN PRESIDENT

Le Front Commun pour le Congo (FCC) n’a que très peu de chance de survivre. Dans son état actuel, il est en difficulté de critiquer la mauvaise gouvernance du nouveau régime, ni mobiliser des citoyens autour d’une cause commune ou de l’idéal commun qu’est le rêve d’une nation congolaise unie, viable et prospère. Ce qui explique des astuces intellectuelles montées contre une frange de la population.

L’invoquer revient à rappeler des tristes histoires de tortures à l’ANR de KALEV ; des emprisonnements et exiles forcés des opposants politiques ; des exécutions sommaires et disparitions forcées des défenseurs des droits humains/mouvements citoyens ; des pillages révélés dans Panama papers ; ainsi que des spoliations des terres des villageois et maisons de l’Etat.

La Commission de Crise du FCC a le devoir de réunir le courage politique nécessaire pour recommander la dissolution de cette machine et d’en créer une nouvelle qui pourrait remplir les missions fixées par l’article 6 de la Constitution en cours en RDC, à savoir : (i) Concourir à l’expression du suffrage, (ii) renforcer la conscience nationale et (iii) éduquer les citoyens à la gestion de la chose publique.

Cette nouvelle structure devra se doter des instruments, outils et organes de sa gestion pouvant la projeter dans l’avenir du pays et participer à panser les plaies de la Nation, par des mécanismes de Justice transitionnelle.

En ce qui concerne l’ancien Président KABILA KABANGE Joseph, il convient de réitérer les conditions prévues par la Constitution et la loi organisant son Statut, à savoir : (i) Respecter les devoirs prévus par la Constitution et la loi qui n’accordent aucune exonération au préjudice des intérêts de l’Etat congolais, de ses institutions ou de son peuple et (ii) se soumettre à l’obligation de réserve, de dignité, de patriotisme et de loyauté envers l’Etat.

Maître TSHISWAKA MASOKA Hubert, Avocat et Directeur Général de l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH). | Twitter: @tshiswaka5

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